L'obligation d’assurer le suivi du temps de travail et de le prouver

La France en particulier, et les Etats membres de la Communauté Européenne en général, sont tenus d’imposer aux employeurs une obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.


CADRE LEGAL

CJUE, 14 mai 2019, n°C-55/18

Sous l’influence de cette jurisprudence, la Cour de cassation a institué les règles probatoires en matière de temps de travail et plus précisément, sur la preuve des heures supplémentaires, qui n’incombe à aucune partie. L'ensemble des entreprises de l'Union Européenne doivent enregistrer les heures de travail effectuées.

Dans un arrêt rendu le 18 mars 2020 (pourvoi n° 18-10.919), la Chambre Sociale de la Cour de cassation a jugé : « Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ».

Cet arrêt indique donc que, contrairement à la règle générale, le juge ne peut pas se fonder sur la seule insuffisance des éléments fournis par le salarié pour le débouter de sa demande de rappel de salaires.

Dans un arrêt rendu le 27 janvier 2021 (n°17-31046), la Cour de cassation est venue préciser le contrôle qu’elle exerce sur la notion d’éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires que le salarié prétend avoir accomplies.

Dans la note explicative de l’arrêt, la Cour insiste sur le fait que cette exigence de précision n’est « ni de la même nature, ni de la même intensité que celle qui pèse sur l’employeur dans le cadre de son obligation de contrôle de la durée du travail ». Elle ajoute « qu’elle ne peut avoir pour effet de faire peser la charge de la preuve des heures accomplies sur le seul salarié ».

Cet arrêt rappelle qu’il appartient à l’employeur de mettre en place un système de contrôle de la durée de travail de ses salariés et de se préconstituer la preuve dudit contrôle dès lors que les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif. A défaut, en cas de contentieux relatif aux heures supplémentaires, celui-ci se trouvera dans l’impossibilité de contester les éléments versés aux débats par le salarié dès lors que ceux-ci sont suffisamment précis quand bien même ils seraient incomplets ou erronés.

Cass. soc., 14 déc. 2022, n° 21-18.139

Il revient à l’employeur de prouver qu’il a bien respecté les seuils et plafonds prévus par la législation en termes de temps de repos. Il importe peu que le salarié soit en télétravail trois jours par semaine et ait une certaine souplesse dans l’organisation de son temps de travail.

CONSEQUENCES DE L’ABSENCE DE SUIVI DU TEMPS DE TRAVAIL

1- Préjudice automatique pour le salarié

Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20.21.636

La Cour de cassation a considéré qu’un salarié a automatiquement droit à des dommages et intérêts s’il est démontré qu’il a dépassé la durée hebdomadaire maximale de travail (à savoir, 48 heures) et ce, sans avoir à prouver son préjudice.

Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-22.281

Aux termes du Code du travail, la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder 10 heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret. La Cour de cassation a considéré que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation et donc, au bénéfice de dommages et intérêts, et ce même si le salarié ne démontre aucun préjudice.

Cass. soc., 27 septembre 2023, n°21-24.782

Le dépassement de la durée maximale hebdomadaire du travail de nuit cause nécessairement un préjudice au salarié. Pour échapper à une telle condamnation pécuniaire, l’employeur doit être en mesure de prouver que ces durées maximales n’ont pas été dépassées.

2- Nullité de la convention de forfait annuel en jours

Cass. soc. , 14 décembre 2022, n°20-20.572

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Est nulle la convention qui n’institue pas un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Cette solution a été confirmée à de nombreuses reprises depuis par exemple, Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-19.512 ou, Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.222.

Pour une application très récente, Cass. soc., 10 janvier 2024, n°22-15.782 :

Le non-respect par l’employeur des obligations découlant de l’article L.3121-65 du Code du travail, notamment sur l’établissement d’un document de contrôle de la charge de travail et sur les respects des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, rend la convention de forfait annuel en jours nulle.

CONCLUSION

Tout employeur a l’impérieuse nécessité de mettre en place un système de contrôle de la durée de travail de ses salariés et de se préconstituer la preuve dudit contrôle. 

NGL peut vous accompagner pour la mise en place de sa solution pour garantir un contrôle de la durée de travail efficace et utile.

Billet réalisé avec le concours du cabinet d'avocats Woog Associcés

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